Anita Molinero
Extrusoït de Monaco, 2007
Longtemps la sculpture a été présentée comme une affaire d’homme, c’est à dire de force, d’affirmation virile contre la matière, de conquête expressive sur l’opacité inerte de l’informe.
Camille Claudel fit ainsi figure de sublime victime de Rodin et Eva Hesse d’héroïne tragique terrassée dans sa lutte contre le machisme minimaliste par les effluves nocives des nouvelles matières plastiques.Rares sont aujourd’hui les artistes -et, a fortiori, les artistes femmes- qui comme Anita Molinero (1953 ; vit à Marseille) continuent de s’affronter à la sculpture dans son acceptation classique : s’attaquer au matériau par soustraction, découpe, dechirure, déformation, perforation, trituration, comme en un combat sans merci où la violence et la forme sont l’avers et l’envers d’un geste destructeur dont pourtant surgit l’oeuvre.
Anita Molinero conduit des batailles dans le champ de la sculpture contemporaine.
Les matériaux qu’elle toture sont issus de notre environnement le plus quotidien : emballages en polystyrène extrudé, onduline, films étirables, sacs poubelles, conteneurs et tous autres objets en plastique moulé ou thermoformé.
Ce sont des choses périphériques, des matériaux fantômes. Anita Molinero, les place au centre de son travail, elle y trouve ses moyens mêmes, elle en fait ses objets propres, les chairs qu’elle métamorphose par dilacérations et brûlures.
Il en résulte une sculpture polychrome d’un nouveau genre qui relève de l’esthétique du trou, de la coulure, de l’éviscération, de l’affaissement, de l’effondrement.
L’ombre portée d’Hiroshima s’étend parfois insidieusement sur ces peaux boursouflées, ces armures fondues, ces champignons grotesques.
D’excroissances en ablations, le monde des formes que Anita Molinero arrache aux outils bénins de la protection et de la conservation de notre éxistence anodine libère la stridence intolérable de l’époque.
[extrait du texte du Mamco pour l’exposition d juin-sept 2006]
Anita Molinero organise, parallélement, à son exposition à la galerie incognito, un workshop au Pavillon Bosio (Ecole des Beaux-Arts de la Principauté de Monaco).