Aldo Caredda
One two three four
( L’empreinte,l’unique )
Un index, un peu d’encre, un chewing –gum, un support, un geste. Voilà ce qui constitue l’essence de la production d’Aldo Caredda depuis bientôt quinze ans. Utilisant son empreinte digitale comme motif unique, récurrent, obsédant, l’artiste appose sans relâche le même geste sur les divers supports qu’il investit. Image de l’unique par excellence, l’impression du geste apparait comme le reste indiciel du travail plastique, la trace de son investissement corporel, la preuve de son passage. Telle une signature, l’empreinte apparait dans son travail comme garante de l’individualité et de l’unicité de son auteur.
( Multiple, vous avez dit multiples ? )
Ce geste est répété machinalement, faisant de la production une trame qui se dèploie dans l’espace et dans le temps. Par ce procédé mécanique, l’artiste opère un glissement de l’unique vers le multiple en poussant le principe de sérialité dans ses derniers retranchements. 1813 empreintes sur une toile de deux mètres sur un mètre cinquante, 1813 petits carreaux de céramique, portant la trace de l’index, disséminés sur quarante-deux kilomètres de sentiers forestiers. Perdu dans la profusion d’une forme qui semble se redire sans cesse, l’œil y perd la trace de l’unique.
( Où te caches-tu )
En y regardant de plus près, en faisant l’effort de lecture nécessaire à la distinction des empreintes les unes par rapport aux autres, le mystère s’épaissit encore plus. En effet superposant aux lignes digitales un filament de chewing-gum disposé aléatoirement sur son doigt, l’empreinte devient l’image du hasard, d’un hypothétique « autre ». Le geste mécanique en apparence, laisse la place à l‘accident. C’est précisément à ce niveau que l’artiste s’exprime en tant qu’homme, être perceptible soumis au doute et à la réflexion.
( L’identité )
Chaque empreinte noire apparait dans son unicité ayant pourtant toujours le même index comme vecteur. Exigée pour l’obtention d’une carte d’identité, bientôt utilisée comme clé par le truchement de la biométrie, comment une empreinte digitale pourrait-elle assumer tout ce que nous sommes ? Par la confrontation dualiste de notions telles que l’apparition et la disparition, l’unique et le multiple, la présence et l’absence, le travail d’Aldo Caredda semble nous interpeller sur la place de l’individu dans une société en crise identitaire…
Nicolas Franchot, 2004
Aldo Caredda